crime et châtiment

Publié le 5 Mars 2018

 

L'enfant doit être tourné vers l'extérieur pour découvrir le monde...or, j'étais trop préoccupée à rassurer mon enfant intérieur que je ne pouvais regarder le monde qui m'entourait. 

Je devais ressembler à un canard qui fouille ses plumes...

Seule, renvoyée par d'invisibles murs de verre à la contemplation de ma personne, j'arpentais la cour de récréation les mains derrière le dos , à pas lents, dans le sillage des maîtresses qui surveillaient les autres. Quelquefois, je me faisais repérer et on me disait d'aller jouer avec les autres. ..les autres ! Arghhh... quelle difficulté de se faire accepter d'eux !

Il m'arrivait de jouer à la marelle ou à l'élastique  ( l'élastique fut la grande passion des années 70 dans les cours primaires . Les filles virevoltaient toujours plus haut ( l'élastique pouvait atteindre le haut du mollet ) joyeuses et légères, pleine de grâce et de pétulance )

Mais il faut croire que je ne détestais pas un peu de silence et de contemplation à moins que ce ne soit tout simplement ...la peur d'être rejetée. 

 
crime et châtiment

Les garçons étaient dans l'école dont  la cour surplombait la nôtre. On ne se mélangeait pas. On ne se connaissait pas, hormis quelques têtes ébouriffées qui tentaient de nous apercevoir par delà le grillage.

La cour se composait d'un espace extérieur goudronné, bordé de plates-bandes vertes ,  de quelques jeunes érables et d'un préau couvert.

 

le crime ...

Je me souviendrai toujours du jour où ma mère est arrivée comme une trombe à l'heure où je reprenais les cours ( à 13h30, nous déjeunions à la maison et ensuite regagnions l'école, ma sœur et moi ) et m'a décoché une gifle retentissante parce que j'avais fait un détour par la boulangerie pour acheter, avec les quelques centimes que j'avais, un collier de bonbons en sucre ... Je ne sais plus en détail ce qui s'était passé mais elle avait du avoir vent d'un détour coupable dans notre chemin écolier et s'était pointée, avant la reprise des cours, et me voyant arborer fièrement au cou le fameux collier de bonbons , avait compris instantanément la manœuvre et m'avait infligé une sévère humiliation devant mes camarades.

Je m'étais consolée le soir en apprenant que sa gifle lui avait fait éclater une veine du poignet qui avait heurté un bracelet d'argent qu'elle portait constamment.

Je me souviens de la frayeur et de la surprise de la voir débouler ainsi dans la cour d'école, sous le préau, me cherchant des yeux comme si j'étais une criminelle et de la rage qui habitait ses yeux lorsqu'elle m'a frappée. Mais je me souviens aussi d'un sentiment de révolte délicieuse et de fierté car j'avais tenu tête à ma mère et mes copines l'avaient compris également.

Par ailleurs, à l'époque, on battait les enfants et les pauvres ont du en recevoir plus souvent qu'à leur tour. Donc l'humiliation était toute relative...

 

le châtiment !

Quelle purge ! le martinet trônait en bonne place dans les foyers français, souvent juché sur le haut d'un placard pour que les enfants ne puissent pas l'attraper , chez nous c'était dans le cellier, suspendu à un clou, un bel engin de cuir avec un manche en bois et des lanières en plastique de couleur... A l'époque, nul besoin de les acheter dans des sex-shop, c'était dans les drogueries qu'on les trouvait !

 

Et le soir, on s'en prenait une pour peu que la journée ait été chaude et que chacun ait été énervé...Ma mère nous allongeait sur notre lit et nous relevait les jupes et un bon coup de martinet sur les fesses ou les cuisses, ça nous cuisait et c'était censé nous calmer ... Nous calmer ??? ( nous faire regagner le droit chemin ...) On était censé apprendre quelque chose avec un fouet ??? A part que les rapports humains ne peuvent s'exercer que dans la violence, je ne vois vraiment pas ce que des enfants pouvaient comprendre d'autre ...

 

Quelle honte je ressens encore , non pas pour l'avoir reçu mais pour les gens qui me l'ont donné .. ma mère en l’occurrence !

En effet, j'ai eu , par la suite, deux enfants moi aussi et je n'ai jamais eu, mais JAMAIS eu à lever la main sur eux, encore moins un instrument !

Lorsque nous avions des incompréhensions, des différends à régler, ceux-ci se faisaient via la biais de la parole et je crois, ma foi, n'avoir pas trop mal réussi, car mes enfants aujourd'hui adolescents, m'adorent  et nous avons une relation de grande confiance.

Aujourd'hui ( comme dit Serge Lama à propos des Glycines ) quand je vois quelqu'un de l'ancienne génération parler des martinets sans gêne ,sans honte rétrospective, j'ai envie de lui de lui en décocher une !

La vie sert à apprendre de ses erreurs, merci de bien vouloir faire votre examen de conscience, messieurs-dames nos parents, voire nos grand-parents si nous les avons encore ...

crime et châtiment

Recevoir une correction envoie le message suivant à l'enfant :

-les relations entre les gens peuvent parfois passer par la violence, une violence admise et reconnue dans certains cas.

L'enfant, pour éviter de renouveler la cuisante expérience, tend à devenir fourbe, sournois, à cacher ses intentions pour éviter la punition. Car il continuera à fuguer pour aller s'acheter les quelques bonbons qu'on lui refuse à la maison, il ne faut pas se faire d'illusions, cela ne décourage pas son intention, cela lui envoie juste le message qu'il doit le faire en cachette.

Bonjour le résultat !

crime et châtiment

Rédigé par Eleanor

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